Entre ciel et terre,la baie de SommePhotographies de Chantal DelacroixPoésie et prose de Jacques Darras et Yvon Le MenTextes lus par les auteursNous avons découvert Yvon Le Men et Jacques Darras à la bibliothèque d'Achères quand Catherine nous y invite à rencontrer des écrivains.Chaque fois nous rentrons avec des livres que l'on dévore dans les jours qui suivent ; nous redécouvrons aussi, parfois, quelques bouquins enfouis et presque oubliés sur nos étagères.À la lecture des vers d'Yvon Le Men, dans «Quand la rivière se souvient de la source», puis plus tard en récitant ceux de Jacques Darras, revenaient alors dans nos yeux bien des paysages de la baie de Somme. Chantal connaît la baie, particulièrement la Maye, depuis sa petite enfance. Avec son père, en famille, elle partait passer la journée à Saint-Firmin. Depuis, la baie est devenue l'endroit où nous venons nous ressourcer lors de longues randonnées.L’idée d’une exposition et d’un livre s’est imposée naturellement pour mettre en résonance prose, poèmes et, entre ciel et terre, l’horizon lumineux de la baie.C'est le fruit de cette rencontre affective avec les textes de ces deux poètes que nous présentons aujourd'hui.Chantal Delacroix et Jean Perguet5appuie fort tes yeux sur le bord de la merlance ton regard très loinet tout doucementtout doucementenroule le fil de lumière autour de ta mémoire6Si on étale des photographies de la baie de Somme sur une table et qu’on les regarde du haut des yeux, les pupilles s’ouvrent sur plus de quinze mille mètres de large.Des quais de Saint-Valery, on voit les prés salés et, derrière eux, les façades blanches du Crotoy. La couleur joue sa gamme entre le vert et le gris. Le courant est rapide . …Au matin, la baie est épinglée de points blancs. Parfois, ils s’échappent. Ce sont des oiseaux, des multitudes d’oiseaux qui regardent vers l’est.Hier soir, la mer était pleine. Elle remplissait les yeux des passants. Ce matin, elle s’en est allée en laissant un tableau sur le sable.Quand on ferme les yeux, on entend les cris des goélands, les crépitements de la vase qui se grignote de l’intérieur. On entend les aboiements des chiens et le bruit de paroles trop compactes pour être comprises. Sur la vase s’étalent des pages d’écriture de pattes d’oiseaux. L’eau avance dans la baie en créant des îlots où s’égarent les promeneurs imprudents.Manuel et Madeleine marchent au ras des eaux, à la lisière de mondes qui s’évanouissent les uns dans les autres ; les yeux dissous dans la lumière ; les oreilles dans les cris des sternes à la queue noire.À même le sol, la brise s’empare des duvets. Ils roulent en silence sur les vagues de vase échouées sur le ciel. Par endroits, des milliers de coquillages brisés bordent l’eau de jaune et de rose. À force de marcher ici, songe Manuel, on devient peintre.10Next >