fin de droit

de quel droit

CONSIDERATION.

J’étais présent le 8 octobre 2014 au soir, à la maison de la poésie à Paris.Entendre ce poème dit par Yvon Le Men, l’auteur et par Souleymane Diamanka a vraiment été pour moi un moment privilégié. Il traduit parfaitement combien une situation à priori ubuesque laisse la place à la détresse, le mépris ayant fait son œuvre. J’ai été très touché par ce poème.

Car il illustre un élément essentiel à mes yeux, vital, que j’ai pu vérifier à maintes occasions et qui me tient tant à cœur : la considération est le maître-mot du vivre-ensemble et l’absence de ce mot est source de tant de maux. « … - des invisibles – et des sourds – peut-être des aveugles – qui ne voient pas venir – à grand coups de chagrins – les révoltes prochaines - … »

Ces mots m’ont ce soir-là submergé d’émotion tant je les ressens avec une conscience aigüe et tant ils ont de la résonnance en moi.

En effet, combien de gâchis ont pour origine le mépris, alors que les solutions naissent avec la considération. « En fin de droits », l’expression sonne comme un tocsin dans la patrie des droits de l’Homme, qui n’est pas pour autant la patrie des droits des individus, de chaque individu. Un tocsin, que dis-je, un glas, le glas des droits. « En fin de droits », dans un pays où l’on se gargarise d’autant plus des droits formels que l’on s’éloigne des droits réels pour toujours plus d’individus, droit au travail, droit au logement, droit à être de quelque part, droit à décider de ce qui détermine son existence.

Ce pays dont la course aveugle, frénétique et effrénée à l’égalité s’est transformée en ode à l’uniformité. Ce pays, qui sous couvert d’égalité, a fini par aboutir aux « tous pareils » et ainsi troqué l’égalité pour l’uniformité, oubliant du même coup la réalité et la diversité des situations. « Personne ne parle, Personne ne m’a parlé », tout est là, tout est dit. Tout est dans cette plainte où le poème devient complainte. « Personne ne parle, Personne ne m’a parlé », voilà l’écart, que dis-je, le fossé, le gouffre entre droits formels et réalité des droits. Il suffirait d’un mot, d’un seul, La considération. Un seul mot vous manque et tout est dépeuplé « au point de douter de moi ». « Je suis quoi pour toi ». « Personne ne parle, Personne ne m’a parlé », l’expression est terrible au monde des humains. Et la considération, bordel ! « Personne ne parle, Personne ne m’a parlé », pour la quatrième fois, les mots tombent, implacables, cinglants, réprobateurs avec la régularité d’un métronome. Comment s’expliquer sans dialoguer, sans pouvoir faire valoir qui on est ?

Liberté. « Il est vrai - que nous sommes en république », mais une république sans considération, c’est une république sans justice, c’est une république de l’arbitraire au détriment des droits de ceux qui ne seraient plus dans la bonne case. Est-ce encore La république ? Egalité. « Il est vrai - que nous sommes en république », mais une république sans considération, c’est une république de l’uniformité au détriment de l’égalité. Est-ce encore la république ? Fraternité. « Il est vrai - que nous sommes en république », mais une république, sans considération, sans écoute, sans bienveillance, c’est une république sans fraternité. Est-ce encore la république ? République. La Res-publica. La Chose Publique. C’est-à-dire l’affaire de tous et donc de chacun. « Si t’es toi – tais-toi – sinon – tu seras retenu – contre toi ». Une république qui nie à un artiste le droit de citer, le droit de cité, c’est une république qui exclut des droits. Est-ce encore la république ? « Des actes qui n’ont pas eu lieu entraînent souvent une absence catastrophique de conséquences » (Stanislaw Jerzy Lec). « Personne ne parle, personne ne m’a parlé »

 

Alexis Guenego

Mis à jour le 12 janvier 2016

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