fin de droit

de quel droit

Pour accéder encore et encore à la poésie, grâce à toi, toi seul qui parviens à faire résonner en moi un poème, qu’il ait été écrit par toi ou d’autres. De retour à la maison, je peux le retrouver seule avec mes yeux qui, sans ta diction, ta gestuelle, ton regard, ton corps en tension – en transe – seraient restés aveugles au poème, à ce poème-là comme à tous ceux que j’ai essayé de lire sans qu’ils soient passés par toi d’abord. Ces poèmes-ci ne passent pas, ils n’entrent pas en moi, décidément pas. Comme si j’avais besoin d’un passeur pour arriver… jusqu’à moi.

Quelle clé possèdes-tu donc, Yvon, pour ouvrir en nous, ce qui, en nous, de nous, resterait autrement inconnu ou oublié de nous ?

Ce n’est pas le poème que tu rends vivant par ton interprétation, c’est moi qui le redeviens à chaque fois que je t’écoute et te regarde le dire. C’est peut-être cela le poème, un texte incarné et cela seulement.

Incarner, « revêtir (une divinité, un être spirituel) d’un corps charnel, d’une apparence animale ou humaine », nous disait le dictionnaire aux 19e et 20e siècles. La mutation du sens de ce verbe au siècle présent serait-elle à l’origine de l’accusation qui t’est assénée ? Ceux-là qui t’accusent ont-ils réfléchi aux mots mêmes employés par notre législation pour désigner les artistes qui, comme toi, se produisent sur scène : « artistes du spectacle vivant » ? Moi, je ne sais pas l’interpréter autrement que comme « des artistes qui, par le spectacle qu’ils offrent, (re-)donnent vie à ceux venus les écouter et les regarder. »

Merci Yvon pour cela qui fut, souvent déjà, et sera encore. Car, autant j’ai besoin de me rappeler que je suis mortelle, autant j’ai besoin de me souvenir que je suis vivante.

 

Thérèse Bardaine, romancière et biographe (diffusion privée), Morlaix (Finistère)

Mis à jour le 12 janvier 2016

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