< PreviousPage • 20 • MiscellanéesElles sont venues par trois,la nuit en passant sa mainles a couchées sur le blancdu papier qui les froisseen les glissant sur les carreaux,qui les glisse en les froissant – et ce stylo fait neiger la nuit.La nuit prend la ville dans ses bras.Lune, pupille de chat ;étoiles, confettis suspendus...Vous veillez sur tout l’amourque les reines ont donné aujourd’hui – sans espérer de retour,mais se sachant appelées.Appelées à continuerleur petit tour de mondedu jardin à la portejusqu’à ce que porte s’ouvrepour entrer dans la maisonfrapper le bas des escaliersen se relevant par instants. Miscellanées • Page • 21Cet adieu qui les ouvreà un petit cri aigu – quand tu marches dessus.C’était sa dernière vie :la feuille du plaqueminierau paradis des feuillesdevient ange de papier. Le froid, ce méditant,a ridé le chemin d’un livre d’eaux.La pluie a tressé des larmesqui ont gelé au matin.J’écris à une femme sans nomsur la vitre sur le cielle soleil lit mon poème. Gérard LeyzieuxPartoutFougue des jours de tourmentsÉtendre son corps à l’espaceMeubler sa vie à la course quotidienneRespirer aux regards de la fouleEt reprendre l’accumulation des lieuxÀ la senteur des passagers du tempsÉtaler sa peur dans le criTrouble de la nuit qui nous éteintTrouble dans la nuit qui nous étreintProjeter sa parole au mondeCourse à travers l’univers des sonsToucher la fin de la terre et surmonter les limitesPage • 22 • MiscellanéesClaude LueziorRenaissanceil faudra bien un jourque se démaquillent nos regards où s’agenouillent des esquisses un jour sans masque ni olifantun matin de pastels et de lèvresà peine entrouvertesquand les miels de traversenourrissent et brûlentnos ombres accroupiesécarteler ce que la rouille vainement corrodedéplier le douteet rendre braiseà la cendre trop griseterre labouréeoù gémissent encoredes silences terre sienneoù reposent infinimentnos mollesrésiliencesbriserces couteaux extrêmesqui se délectentde leurs blessuresà l’orée des cachotsil me faudra repeuplernos rêves alanguisdéplier ses paupièresélaguer ses brumes violemment rendre vie à ses seins de porcelaineaux bras lourds de la nuitdans l’infinie fragrancede nos gestes inachevés Miscellanées • Page • 23Oubliertes énigmes au galopsans mors ni brideet ces débrisd’instants fracassés ne plus pillerces lambeaux de mémoireque pulvérise encorela meule des heures quand se délitentnos paumes écorchéeset s’accrochentde viles déchirures ne plus suffoquerà l’ombre maigre de bétonsqui emmurent la fournaiseconvoquant nos asphyxies au pas, la tessiturede nos voix en chamadequi hument désormaisles vertiges d’un silence Coquillage au moment mêmeoù se déploientl’intime plénitude et les noirs de jaissur tes ambresà la dérobade je t’ouvriraidans les reflets d’un ressac tel un coquillage sacréoù luit la nacrede tous les désirsPage • 24 • MiscellanéesUltimePenser à mes chimèrestoutes élytres arrachées Agonie pour poètes sans clésoracles et druides hermétiques À l’entaille du destinmes pages, alourdies de cicatricesn’ont su étreindreles tatouages dont la gloireçà et là pollinise les pistes Respirer à contre-courantdes stridences perversesquand il suffit, pour épousaillesd’agiter l’arborescencede magmas et de bruits En vulnérables vendangesvoici le moût de motsque tuméfie à l’automneun soleil épars Ardente, malgré le passagequi s’approche sans cessema main pourtant combatjusqu’à l’ultime phalange À la plume, au couteauet jusqu’à la tramepour une flaque de lumière Une fois encoreà la frange des laves Panser mes chimèrestous poèmes arrachés Miscellanées • Page • 25Michel-Ange MoukagaAux Noms de La VieISimplicité,secret de l’élégance ;tel l’embrun de pudeursoustrait aux bruits des mauxIIIdentité,quête de l’impossible ?Peau à peau, le totemest parchemin de soiIIISérénité,en froment d’allégressesont les plumes de l’essorde chaque bravo d’ailesIVIntensité,dans l’aube de la verve ;Souveraine des saisonsdes rêves migrateursPage • 26 • MiscellanéesClément G. SecondDeux poèmes extraits d’Encres de songerie, recueil en coursSi le grand tour...Si le grand tour les recousait, ces ailes déportéesaux rendez-vous manqués de paysages ?– ourlets se recherchant par un pli ou l’autre,comme empêchés de toujours, mal jointifs, embrassements n’en pouvant plus de ramener l’éparsà ce qu’eux-mêmes ignorent...Qu’importerait le point pourvu qu’il soude ?Le fil serait le souffle long, le corps allant une aiguille,les piqûrespenser par élancementssans la douleur à s’enrouer sur la pierraillemais la feutrée, l’ovale, la diffusequi fait froncer les yeux sous la lampe soleil.Souvent jusqu’à la ferme...Souvent jusqu’à la ferme isolée survivanteaccrochée au coteau des arrêts puis retoursque la placidité masticatoire du troupeaude vaches même pas déçues dans le pré secfait ressortir à contre bleu quand on y monte Le chien connaît si bien les pauses envisageablesqu’à l’approche il coule un regard obliqueet celui de là-bas, grandi entre portail et meules,sabre de la queue en humant, sa réponse à l’appelUn ciel d’entrevision d’autres grandeurs qu’un cielplane sereinement, médite aussi sans douteOn le devine aux quelques nuages fousqu’il laisse lui chiper le soleil au passagesans un agacement pour les chasser. Miscellanées • Page • 27Anaïs VarletBrisée des commencements« Éclair où se poursuit la ronde du matinc’est l’hirondelle elle est blancheNoir passant qu’en sais-tu »Joë Bousquet, La Connaissance du soirAveu liminaireComme une pierrerassemble ses forceset les jette en bas de la pentecomme le pas d’un hommequi hésite à passer un seuilest déjà de l’autre côtécomme la flamme d’une bougievacille un instant d’inquiétudeet se redresse plus viveainsi j’écris ceci. L’histoire commence abruptementau milieu d’un paysagede toutes les couleurs.Seule au centre de l’image, une filleen noir et blancs’inquièted’avoir perdu quelque chosecomme l’essentiel.D’un geste tendre, malhabile peut-êtreelle essaie de rassembler les couleurset d’en faire son vêtement.Page • 28 • MiscellanéesMais ce vêtementest déchiréou bien trop grand pour elleaussi mon histoiren’en est pas uneelle se rompt, se déchireen lambeauxcomme ce vêtement vivantdont je t’habilleen enlevant le mien dans le noir Je tire un filet c’est tout le bruit des souvenirsqui vient rouler sur la pagedans le plus grand désordreau fond de la chambreil y a la mer – et dans les profondeurs de la merun arbrequi a soifvoilà mon histoire – inutiled’en chercher l’ordre ou la mesureil suffit d’accepterce que dit la lumièreà chaque soubresaut du chemin Miscellanées • Page • 29J’écoute battre l’eau du matincontre la vitreje pense à l’herbe arrachéede l’enfanceà ce crime, à cet accident de lumièreau fond de monventre de filled’un coup j’ouvre la fenêtreet je reçoisles consolations de la pluie et du ventsur mon visage Il y a sur le murcette empreinte indélébileil y a dans la poitrineun désir d’oubliil y a la pudeurdu gestede seulement effleurer la beautépour ne pas la détruireil y a la clarté silencieusedes choses pétries de terre et d’eauNext >