De Reuilly à Reuilly
Cela devait être une journée ordinaire. Nous avions visité la veille la Sancerrois. Un dépliant touristique nous avait fait découvrir l’existence d’un cru : le Reuilly. Un vin de Loire de plus, mais cette fois, étonnant, il portait le même nom que celui de notre ruelle.
Nous avions décidé, rien d’original en soi, d’aller en ville, ce dimanche matin, et d’acheter une caisse de vin blanc de Reuilly pour épater nos voisins un jour d’apéritif.
Mais le hasard et la chance feront de cette journée un excellent souvenir de ballade surprise.
Le Dimanche matin, à Bourges, on ne peut pas dire que les commerces ouverts vous poussent à la dépense. Point de marchant de vin au marché. Point de Reuilly dans les rues avoisinantes. Il fait beau. Il n’est que dix heures et nous décidons donc d’aller acheter le vin sur place.
Une demi-heure plus tard nous voici dans Reuilly après avoir traversé de grandes régions de chaumes envahis de fleurs des champs multicolores.
Reuilly est un village posé au milieu des vignes. On devine d’abord son clocher et des toits de tuiles. Nous arrivons sur la place du centre, juste devant l’église. La place est peu animée. Elle ruisselle de soleil. Quelques passants se pressent vers la boulangerie. Nous n’avons aperçu aucune cave invitant à acheter le vin.
« C’est Dimanche. Il faut aller de toute manière chez les vignerons » nous dit la boulangère qui se ravise aussitôt :
« Prenez la rue principale le long de l’église. Il y a l’office du tourisme. Ils vendent du vin ».
Les maisons de la rue principale sont de classiques demeures berrichonnes mais l’ensemble à de l’allure. Deux hommes discutent dans l’office de tourisme. Aussitôt on s’occupe de nous. Celui qui est derrière le comptoir, un quadra grand et dynamique, est aussitôt volubile.
« Nous avons du vin, quelques bouteilles mais une bonne sélection des différents vignerons.
Voilà ! Le rouge est parfait. C’est un vin à base de pinot noir. C’est un vin fleuri et léger. J’ai du Jacques Renaudat, Domaine de Seresnes. Il est parfait. Mais j’ai aussi du Pascal Desroches, un rouge qui a eu la médaille d’argent à Paris. Et dans les blancs, du sauvignon, je vous recommande celui de Alain Mabillot. Mais vous pouvez aussi essayer le Pinot Gris. Là j’aurais du domaine Chassiot. »
Nous nous sommes laissés guidés sans problèmes et avons pris un assortiment.
« Vous habitez rue de Reuilly dans le 12ème ! Nous avons toujours voulu faire un rapprochement avec eux. En fait, le Roi Dagobert est né à Reuilly. On ne sait pas si c’est ici ou dans la région parisienne. Peut-être à Reuilly qui devait être une ancienne commune de Paris. Quand au roi Dagobert il a donné le bourg de Reuilly à l’abbaye de Saint Denis. Il y a donc une relation certaine »
« Savez vous que notre vin est connu depuis le 13ème siècle ? L’appellation a été donnée en 1936 … ».
L’autre interlocuteur, un homme d’une soixantaine d’année, vigoureux, est lui aussi intarissable sur l’histoire de Reuilly. Notre visite, locataire de la rue de Reuilly, les passionne.
« Allez visiter le musée. Juste en bas c’est un musée sur l’habitat et les coutumes. Dans la cour, allez dans les caves et les chais. Nous avons fait un musée du vin. Nous avons tout fait nous même à partir des objets donnés par les membres de l’association ».
Les visites valent le temps qu’on leur consacre. Une multitude d’objets, ustensiles, outils, récipients, livres, racontent la vie de cette campagne berrichonne et celle de la vigne.
Nous fureterons donc un long moment dans tous ce passionnant et très documenté fouillis.
Notre caisse étant prêtre, nous partons, en face, dans la maison de Reuilly.
Nos deux hôtes nous y rejoignent aussitôt.
En bas un complément du musée, salle d’exposition. « Vous signerez le livre d’or. »
A l’étage, une exposition consacré à Paul Surtel, natif du pays, peintre surréaliste connu, moins que les grands maîtres mais apprécié quand même. 26 toiles ont été prêtées par la famille, des croquis, des sculptures, des correspondances. Appartenant à l’école provençale c’est la chaleur du midi et la morsure du mistral que l’on ressent dans ses œuvres. Mais même ses « meules en Bercy » sont chaudes et respirent l’air chaud d’un après-midi d’été.
Dehors, des vignes et un verger de pèche de vigne. Le jardin permet de dégager la vue sur l’église et le château.
Nous goûterons les pèches, les raisins de la treille offert chaleureusement par nos deux guides.
Nous avons ainsi passé quelques heures dans ce village dont, une journée plus tôt, nous ne connaissions même pas l’existence.
Un beau cadre champètre et historique, une histoire variée, des passions partagées et le vin. De quoi donner l’envie de revenir traîner dans les vignes à la saison des vendanges. Une nouvelle idée de promenade et surtout une belle étape en perspective lors d’une randonnée dans le Berry.
Pour nous, revenu rue de Reuilly, les bonnes bouteilles de Jacques, Alain, Pascal, Didier et Christian, les vignerons dont je lis les noms sur les étiquettes, les héritiers de vignes cultivées depuis des siècles, seront l’objet de plaisir et de discussion. Plaisir d’offrir un cru à la distribution confidentielle et de provoquer chez d’autres l’envie de visiter ce lieu homonyme.
Si vous désirez en savoir plus ou y aller, rien de plus simple, allez à l’office du Tourisme