L’instant précis où Monet entre dans l’atelier, de Jean-Philippe Toussaint
C’est en atelier d’écriture que j’ai découvert Jean-Philippe Toussaint. C’était, je crois, lors d’une tentative de « fragment » sur le désir d’écrire. L’animatrice avait dû nous lire un des fragments de « L’urgence et la patience » 1. C’était peut-être « Le jour où j’ai commencé à écrire » qui commence ainsi : « J’ai oublié l’heure exacte du jour précis où j’ai pris la décision de commencer à écrire, mais cette heure existe, et ce jour existe, cette décision, la décision de commencer à écrire, je l’ai prise brusquement, dans un bus, à Paris, entre la Place de la République et la Place de la Bastille ».
Ainsi j’avais aimé Toussaint. Pour mieux le contenir ensuite dans la catégorie des auteurs à creuser, ceux qui attendent que l’urgence des nouvelles sollicitations laisse le temps à la patience de le lire.
Et voici ce petit récit 2. 30 pages où reviennent comme une obsession, l’urgence de l’instant précis et la patience de la répétition de l’acte dans le lieu. Non pas un sujet introverti comme précédemment, mais la recherche de ce que pu être les innombrables instants précis où Monet s’est attelé à son œuvre des « Nymphéas », à cette immense œuvre de paix réalisée en pleine Grande Guerre, son refuge.
À lire ou écouter, en urgence, patiemment.
Émotion de la lecture passée, je replonge alors dans un autre roman dont Monet et son siècle constitue la matière, une odyssée à travers la deuxième moitié du 19e siècle et le début du 20e jusqu’au traité de Versailles. J’ai encore en mémoire quelques passages sur l’épopée de la création des Nymphéas, épopée personnelle dans les fleurs et les bassins de Giverny quand la violence et la destruction embrase le monde alentour, sous la plume éblouissante de Patrick Grainville dans « La falaise des fous » 3. Je fonce à la bibliothèque. Récupère le pavé de 650 pages — la traversée artistique et politique d’un siècle mérite bien cela ! — et retrouve les passages consacrés aux Nymphéas.
Je vous les livre donc ici sous forme d’une concaténation enregistrée.
Une autre vision, bien au delà de l’instant précis où…
Chronologie
- Mai 1895 : Monet commence à peindre les Nymphéas.
- : à Giverny l’artiste détourne l’Epte afin que l’eau de la rivière puisse alimenter ses besoins et fasse pousser ses plantes exotiques.
- 1902 : réel début de la série Les Nymphéas.
- 1906 : la série des Nymphéas progresse lentement. Monet remanie beaucoup, il détruit notamment de nombreux tableaux et ajourne l’exposition de la série.
- 6 mai – 5 juin 1909 : Paul Durand-Ruel expose quarante-huit toiles de Nymphéas.
- 1910 : agrandissement du bassin aux nymphéas.
- Juillet 1912 : diagnostic d’une double cataracte chez Monet.
- 1914 : encouragé par Clemenceau, Monet commence une série de panneaux décoratifs sur le thème des Nymphéas.
- 12 avril 1922 : Monet signe à Vernon, devant notaire, un acte de donation dans lequel il s’engage à remettre des panneaux des Nymphéas à l’État en avril 1924. Presque aveugle et désireux d’achever les panneaux, il se fait opérer des yeux.
- Février 1924 : Durand-Ruel expose plusieurs toiles récentes des Nymphéas à New York.
- 1924 : Clemenceau ajourne la livraison des panneaux à cause de la vue de Monet.
- 5 décembre 1926 : mort du peintre à l’âge de 86 ans à Giverny.
- 17 mai 1927 : inauguration officielle des Nymphéas au musée de l’Orangerie.