Du relais à la recharge

J’ai toujours aimé la littérature de voyage du 19ᵉᵐᵉ siècle. Quand il fallait à Alphonse de Châteaubriant, Victor Hugo, Gustave Flaubert ou Théophile Gautier, à peine moins d’une semaine pour rallier Paris à Brest en diligence. Ainsi changeait-on régulièrement de chevaux de dîner en nuitée. Pauses riches en rencontres et aventures au hasard des hameaux, villages et bourgs.

Nous voici donc deux siècles plus tard devant planifier Auray — Hôpital-Camfrout. Juste cent cinquante kilomètres aller ; trois cents si nous voulons faire l’aller-retour dans la journée pour récupérer ou s’occuper de nos petites-filles.
Rien d’extraordinaire, pensez-vous, au temps de l’automobile moderne !
C’était avant.
Avant ?
Avant que nous troquions notre voiture diesel contre une électrique d’occasion, conforme aux recommandations de l’ADEME, légère, petite batterie de 50 kW, ayant déjà largement économisé l’équivalent de l’empreinte écologique de sa fabrication.

Mais voilà. Nous sommes en hiver, quelques degrés au-dessus de zéro. 
Notre voiture affiche fièrement 300 km d’autonomie après chaque recharge. Après quelques kilomètres de voie rapide (les autoroutes bretonnes limitées à 110 km/h) l’autonomie affichée fond à vue d’œil, chaque kilomètre décompté du GPS pesant presque son double en autonomie. Un rapide calcul mental prévoit la panne électrique vers 180 km. Il faudra recharger avant. Nous n’avons pas, hélas, l’autonomie d’une Tesla — qui selon l’ADEME ne rembourserait son empreinte que bien après que nous l’ayons revendue — ceci me permettant de rectifier : bon, nous n’avons pas l’autonomie d’une Tesla.

Dilemme ! Le même que devait avoir Alphonse, Victor, Gustave et Théophile lorsqu’ils programmaient les dîners et nuitées de leurs voyages pour changer d’attelage ou de monture. Où faire étape pour recharger rapidement la batterie ? Nous avons encore en mémoire notre première expérience où la promesse d’un recharge rapide (environ 1/2 heure) à Le-Faou, borne en panne, s’est traduite par une recharge classique (réellement 7 heures) devant la gendarmerie ; journée sauvée par notre gendre qui assura la navette des derniers kilomètres.

C’est désormais à Quimper, à peine cent kilomètres après notre départ, que nous avons prévu de faire la première étape. Nous testerons ainsi le partage de l’aller-retour en 3 étapes. En toute sécurité, puisque, à Quimper, nous disposons théoriquement d’une dizaine de bornes ultra rapides.

Ce n’est pas grave. Nous programmerons désormais quelques heures de plus lors des voyages au long cours. Les recharges seront les occasions écolotouristiques de visiter les villes. Nous sommes à même d’espérer que les stations de rechange soient installées en centre-ville, sous contrôle du syndicat d’initiative, au départ d’un parcours piétonnier. Des étapes d’une heure, suffisant, pour revivre les émotions d’Alphonse, Victor, Gustave et Théophile pendant le temps d’un changement d’équipage.

Ce lendemain de Noël, nous essayons donc cette nouvelle planification de voyage en programmant, après Quimper, la visite de Concarneau. Mais voilà, si les relais de poste et l’auberge attenante étaient au centre des villes et des bourgs, force est de constater que les bornes rapides sont installées aujourd’hui en périphérie, sur les aires de covoiturage ou sur les parkings des centres commerciaux, à distance pédestrement déraisonnable pour espérer visiter la ville le temps d’une recharge, même en une heure.
Nous sommes sauvés de l’ennui par le regard photographique, enthousiaste et impatient de Chantal. Mieux que les pans coupés des maisons de Quimper, sa banlieue Est nous offre les polygones des pylônes électriques (dont nous avons besoin pour recharger la voiture, reconnaissons-le), les à-plats des passages piétons, les courbes métalliques des attaches vélo, et le tape-à-l’œil des enseignes. Quant à moi, c’est une soudaine envie de café croissant qui aiguise mon optimisme.

Je vous laisse donc, prose inutile, découvrir cet étonnant reportage, cette délicieuse étape qui nous conduira vers « le coin CÔ‘mer ».

Vive les recharges… pour commérer, sans fin.


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