Doisneau, Paris en Liberté : Doisneau que nous avons tant aimé.
Doisneau, non ce n’est pas usurpé. Comme beaucoup je n’avais, de Doisneau, que le souvenir du baiser de l’Hôtel de Ville.
C’est donc avec un à priori négatif que j’ai fait la queue, sous la pluie. Comme tant de parisiens. Je suis d’ailleurs stupéfié, chaque fois, de constater combien de personnes de tous âges, de toutes conditions, se laissent tenter et patientent plus d’une heure dans la bonne humeur, pour aller regarder quelques photos en noir et blanc. Parapluies donc devant cette affiche du plongeur du Pont d’Iéna. Nous ne savions pas encore quel plongeon nous allions faire nous mêmes dans un univers intimiste, parfois ironique mais toujours respectueux des êtres qu’il a fixés à jamais avec son objectif.
L’exposition présente de nombreuses séries. Ceci nous place directement derrière l’objectif. Il faut prendre le temps de traîner devant chaque photo. On comprend, comme Doisneau le disait lui-même, qu’il laissait le monde venir à lui. Il se comportait comme un chasseur à l’affût, comme un voleur qui savait bien que dans un endroit particulier, sous une lumière spécifique, dans une ambiance de ce Paris qu’il connaissait tant, une personne ou plutôt une personnalité passerait tôt ou tard dans le champ de son objectif. Il savait se faire oublier, devenir un simple témoin de la diversité, de la richesse, de la fragilité de l’être.
Nous avons été aussitôt aspiré par le contraste des lumières (que mettent tant en valeur le noir et blanc), par l’intensité des attitudes, des regards, des gestes, des situations.
On dit de Doisneau qu’il est un photographe social. C’est déjà le réduire. Certes, il a su retranscrire l’ambiance, les joies et les peines des milieux populaires. Mais il a su aussi rendre populaire les actrices, les notables, les politiques. On trouve toujours, dans chacun des clichés une humanité, un dialogue, une véracité qui nous ont souvent ému, attendri, amusé, révolté.
J’ai souvent entendu ou lu, au sujet de cette expo, le mot nostalgique. Je n’ai pour ma part jamais ressenti de nostalgie. Les sujets, les personnages sont si présents, véridiques, naturels et surtout vivants qu’ils sont restés contemporains.
Et quel itinéraire dans le hall d’exposition ! Rarement une exposition n’a été aussi bien guidée par un flux naturel, nous amenant tour à tour dans une bonne demi douzaine de zone où la voix de Doisneau vous délivre son humanité, sa curiosité, sa modestie, son amour de Paris et des autres. Sa parole vous raconte son regard.
Ce fut un mélange d’émotion, d’admiration… et finalement de légère jalousie qui a accompagné cette visite. Arriver moi aussi à capter l’autre, à oser fixer la personnalité d’un inconnu dans la spécificité d’une lumière et d’un lieu, dans cet instant précis où l’homme et son univers sont inséparables. C’est cela que Doisneau à su faire : faire de ces gens, effectivement, des Parisiens.
PS : Il est tout aussi indispensable de continuer par l’exposition voisine, Clichy sans cliché. D’autres regards colorés et multiples sur un monde tout aussi humain. La banlieue est aussi à Paris. Merci de nous avoir offert cette continuité d’émotion et d’humanisme.