Étonnants Voyageurs. . Mardi 29 mai 2012

Nous avions longuement hésité à nous joindre à nouveau à ce gigantesque festival littéraire de Saint-Malo. 3 jours. 60000 participants. Une bonne centaine de conférences. Un salon littéraire, gigantesque étalage, qui donne le tournis. La queue dès 9:30 pour atteindre le café littéraire. Le tampon du jour sur le bras qui vous sert de sésame et contre lequel Chantal se révolte.

Saint-Malo, ses plages et ses remparts, sous un soleil tentateur qui n’encourage pas à se laisser enfermer dans des théâtres et des salles de conférence.

Bref pourquoi aller sur place alors que nous avons la chance à Achères d’avoir Yvon Le Men qui organise de chaleureuses rencontres toute l’année ? Que Jacques Darras anime Achères poétique ? Que nous avons de bon moment de convivialité et de dialogue avec les auteurs autour d’un verre ?

Bref quel est notre bilan à la suite de ses 3 jours denses ?

Tout d’abord la forme. Que ce soit au café littéraire qui nous accueillait le matin où au cycle «Besoin de Poème» qu’animait Yvon Le Men, il s’agit de tables rondes. Un thème et quelques auteurs qui débattent.

C’est ce débat, ces confrontations d’idées ou d’émotions, ces personnalités si différentes (continent, culture, âge) qui font la richesse d’Etonnants voyageurs en prenant comme leitmotiv l’ouverture vers les autres. En choisissant le cycle «besoin de poème» nous évitions aussi la foule gardant la convivialité d’une salle de taille modeste (une centaine de place tout de même) et la proximité de la scène.

Ensuite des découvertes. Je voudrai ici en citer trois.

Une première rencontre : «la force de la fragilité». Un sujet tout en sensibilité et révolte. Quatre femmes ayant subi le pire (que ce soit la violence faite aux femmes en général ou celle, systématique, quand la situation politique s’en mêle).

Nous connaissions déjà Maram Al Masri qui nous avait tant touchés lors de son passage à Achères poétique en mars. Mais ici, comme nous, elle ne pouvait pas retenir ses larmes devant le témoignage et l’appel pathétique de Samar Yazbek, romancière syrienne, qui décrivait l’enfer de la Syrie d’aujourd’hui et la force nécessaire pour fragilement, jusqu’à l’exil, résister et témoigner.

Ananda Devi, ethnologue et romancière mauricienne témoignant sur la manipulation et la difficulté de communiquer avec ses proches. Forte émotion encore pendant sa lecture d’un extrait de «Les hommes qui me parlent». Enfin Carmen Yanes, poétesse et militante politique chilienne qui revenait sur la dictature Pinochet et un très beau poème dédié à son père.

La deuxième découverte fût celle d’un drôle de bonhomme. Il semblait être là par hasard, bourru, le front et les yeux souvent cachés par ses mains en visière. Il semblait soit se protéger soit s’ennuyer. Et puis la lecture ! Une poésie moderne, rude, crue, prenant une forme oubliée, celle du sonnet. Une lecture expressive empruntant quelque chose au blues tant par le rythme que par les thèmes. Un côté poète maudit qui nous a touchés ou plutôt mordus. Lisez à votre tour la biographie en vers de William Cliff. C’est violent, noir, glauque. Des sonnets qui sonnent et résonnent comme un moderne Villon.

La troisième découverte fût celle de Jacques Lacarrière. Grâce à Sylvia Lipa-Lacarrière qui prête ses talents de comédienne pour faire vivre l’écriture de son mari mort en 2005. Deux jours. Deux textes. L’un, Libellule-Mémoire, illustrait merveilleusement notre propre besoin de randonnée pédestre, cette liberté d’observation de la nature. L’autre, le lendemain, dans une poignante rencontre «Être avec l’autre», parlant de celle, presque simultanée à l’échelle de la création, d’un père et d’un fils. Un thème sur la transmission quand il y tant de différence d’âge à l’échelle d’une génération. Texte troublant !.