Une vie bouleversée d’Etty Hillesum.

etty-hillesum-1174129937-thumbnailDimanche 20 Septembre 1943 : Bien des gens sont encore pour moi de véritables hiéroglyphes, mais tout doucement j’apprends à les déchiffrer. Je ne connais rien de plus beau que de lire la vie en déchiffrant les êtres.

Mardi 22 septembre 1943 : Il faut apprendre à vivre avec soi-même comme avec une foule de gens. On découvre alors en soi tous les bons et les mauvais côté de l’humanité. Il faut d’abord apprendre à se pardonner ses défauts si l’on veut pardonner aux autres. C’est peut-être l’un des apprentissages les plus difficile pour un être humain, je le constate bien souvent chez les autres …, que celui du pardon de ses propres erreurs, de ses propres fautes. La condition première en est de pouvoir accepter, et accepter généreusement, le fait de commettre des fautes et des erreurs.

Je voudrais bien vivre comme les lys des champs. 

Samedi 10 octobre 1943 : Une âme est un composé de feu et de cristal de roche. Austère et dure comme l’Ancien Testament, mais douce comme le geste délicat du de ses doigts lorsqu’il caressait, parfois, mes cils.

Etty Hillesum, Extraits d’ Une vie bouleversée. Journal 1941-1943

Il est des livres qui vous marquent, vous brûlent et vous glacent à la fois, vous repoussent dans votre intimité en vous forçant à vous interpeller vous-mêmes. Que ce soit sur le plan intellectuel, physique ou métaphysique, personnel ou collectif.

Brûlant de sincérité, d’humilité, de doute, d’intimité, de sensualité, de spiritualité et presque de mysticisme. Ce parcours intime du moi vers les autres, de l’individu vers Dieu, cette lente conversion sont passionnants et dérangeants pour l’athée que je suis.

Glaçant par le monde atroce dans lequel il nous plonge. Celui du nazisme, de l’holocauste qui est là, proche, rampant. Ils vous tournent autour pendant les trois-quarts du livre, présents et suffisamment lointains à la fois pour vous rappeler les formes atténuées de ces déportations qui perdurent aujourd’hui : racisme, intégrisme, insécurité, chômage.

Vitalisant par la richesse, le don d’écriture de celle qui ne sera hélas jamais l’auteur qu’elle rêvait d’être mais dont l’oeuvre unique est pourtant essentielle, par le positionnement de l’intellect, de l’amitié et de l’amour comme antidote à toutes les tragédies, petites ou grandes, qui nous entourent.

 

Oui ! C’est un livre à recommander, à prêter, à offir. Un petit bijou sur le fond et la forme. L’œuvre d’une écorchée nous offrant l’intimité d’un être et d’une tragédie inéluctable dans une écriture précise, fluide, chaleureuse.

Etty, merci pour ces quelques heures de lecture intérieure. Tu m’as bouleversé et interpellé à la fois.

Ce livre, je l’ai découvert grâce au bouche à oreille, cadeau d’une génération qui a connu ces évènements, à la suite du concert émouvant d’un slameur qui pourrait être leur petit fils et d’un échange sur le rôle de la spiritualité.

J’ai envie de continuer à mon tour à transmettre l’envie de lire ce livre.