Démocratie participative
C’est avec plus d’une semaine de retard que je poste cette note. Elle remonte déjà au 11 février. Mais je préfère ne pas supprimer ce que j’avais ressenti ce jour là.
Dimanche après-midi. Nous rentrons de quelques courses et, avant de repartir sur Paris pour une promenade nocturne, j’ai ouvert mon navigateur.
Tombé comme d’habitude sur la page du Monde. Et là un titre : Ségolène Royal propose cent mesures pour une France « plus juste ».
Ah, c’est vrai, c’est aujourd’hui. Voyons ce qui sort des groupe et des débats participatifs. Voyons quel peut être la force des propositions de Ségolène. Saura t’elle redresser le cap et montrer une vrai direction au-delà d’une écoute sûrement nécessaire mais déconcertante ?
J’ai envie ici de livrer, en vrac, mes premières impressions.
Je ne suis ni syndiqué, ni encarté. Je ne suis plus militant associatif. Je suis devenu un peu incrédule, sûrement déçu mais nullement cynique. J’ai cependant le secret espoir que de tout cela, de ces débats provoquant l’impatience des uns, le doute des autres, la moquerie des adversaires, il sorte quelque chose de nouveau et une possibilité de rebond. Envie, que même sous une couche d’utopie, il reste quelques nouvelles fondations à construire.
Première lecture. Tiens, le nouveau vocabulaire à la mode : Il ne s’agit pas du programme d’un candidat mais d’un « pacte présidentiel ». La terminologie est importante mais est maintenant reprise par tous, de Sarkozy à Hulot. Que cache t’elle dans ce cas ? S’agit t’il d’un vrai pacte ? Je survole les 100 propositions. Cela me rappelle les 110 propositions pour la France de François Mitterand.
Réflexe du surfeur, je clique pour arriver sur le lien du pacte présidentiel. Bon, je survole encore puis j’imprime car cela a l’air intéressant. Je le lirai plus tard à tête reposée.
De là, sans avoir encore analysé le fond, je clique par curiosité sur la synthèse des débats.
C’est la bonne surprise, je suis subjugué par la forme et la méthode.
23 sujets. Rien n’y manque. Politique, environnement, immigration, économie, éducation …
Pour chacun, une synthèse. Forme intéressante – merci aux modérateurs – on trouve des idées exposées sous leur forme initiale, citation des auteurs. Une vrai synthèse exprimée avec les mots de ceux et celles qui se sont exprimés et non un résumé. La lecture de quelques unes donne une impression de sincérité, de vécu, de volonté de proposition mais aussi de doute. Souvent des problèmes exprimés, quelques pistes de réflexion, l’expression d’un envie ou d’une intention de construire du neuf et d’innovateur et pas de solution toute faite. Oui, j’en conviens et paradoxalement cela me rassure c’est souvent si complexe, si multiforme qu’il est raisonnable de n’initier ici que le début d’une démarche.
Enfin face à certains, mais seulement certains sujets, comme si les autres demandent encore un temps de réflexion : « ce que je retiens par Ségolène Royal ». Et là encore je suis surpris de la tonalité. Pas de certitude, pas de discours superficiel ou démagogique. Les idées sont reformulées. Certaines pistes sont avancées plus ou moins formelles. Le reste est à faire ou à préciser . Ce reste à faire est mis en avant comme effectivement un pacte sans devenir une promesse prématurée. Pas de recette miracle vis-à-vis de nombreux points. Seulement la preuve d’une écoute et d’une volonté de rechercher à plus ou moins long terme des solutions avec les politiques et les volontaires.
Bien sur il n’y a eu que 135000 propositions en regard des millions de personnes qui, comme moi, n’ont pas pris part au débat, par scepticisme, par découragement, par désintérêt, par manque d’idée, peut importe. On pourra toujours dire que cette synthèse est la somme de 135000 propositions partiales et que cela ne peut se substituer à l’intelligence politique de nos 577 députés (Cela représente un équivalent de 230 propositions par députés ! Ce qui est quand même un tant soit peu représentatif !).
Pour moi cela est, à coup sûr, très intéressant. Cela m’a poussé à entrer dans quelques textes et à enregistrer, avant de les imprimer, les quelques 600 pages de synthèse.
Oui, Ségolène, il y a sûrement du grain à moudre. Démagogie ? Ce serait un procès d’intention. Vrai projet de gouvernement ? Pas encore. De méthode ? Sûrement. Souhaitons le !
Par contre, au-delà de l’enthousiasme de quelques personnes de la société civile, il est sûr que cette méthode, cette parole rendue aux anonymes, ce canal direct parallèle à la hiérarchie de l’organisation politique, doit gêner plus d’un de nos professionnels de la politique. Là encore, les nouveaux modes de communication, cette société qui devient, non pas une société individualiste mais une société en réseau (et non pas de réseaux), sont peut être encore en train de changer la donne. C’est finalement le pari, dérangeant, risqué, déstabilisant de Ségolène Royal.
Ce qui est sûr, c’est que je me suis promis de lire ce pavé (comme j’avais lu celui de la constitution européenne) et de me faire ma propre idée.
Envie aussi de continuer à suivre cette aventure, avec ce petit fourmillement que crée le risque et la curiosité, même en politique, même sur un sujet aussi important que celui de gouverner la France.
Bravo, nourrissons nous de nos incertitudes pour en faire une gouvernance positive. Il n’a suffit que d’une boussole pour découvrir le nouveau monde.
PS : Il y a eu en effet beaucoup de critique sur le manque de maturité du pacte, l’absence de chiffrage … Je voudrais faire un parallèle. Quand un grand groupe industriel (dont certains représentent la taille d’une état) change de dirigeant, on choisit celui-ci sur un potentiel. On ne lui demande jamais d’arriver avec une solution toute faite. Il prend quelques mois (souvent trois) pour comprendre. Puis il ne propose pas de solution. Il propose de grandes orientations (augmenter la gamme de produit, réduire les coûts de production de x %, …) Il demande alors à ses collaborateurs de mettre en place les plans d’action permettant d’atteindre les objectifs stratégiques. Son rôle est de piloter : mesurer, réorienter, motiver. Ce n’est pas celui de faire, ni de tout savoir. Son rôle est de comprendre pour agir.
Pourquoi n’en est-il pas de même en politique ? Faut-il qu’un candidat sache répondre à toutes les questions ? Doit-il avoir des recettes toutes faites ?
Sûrement pas. C’est alors qu’il devient, à mon avis, crédible.