J’ai vu le lion, la gazelle et la tour Eiffel
Livret de 32 pages. Réalisé à partir des poèmes collectifs et des peintures réalisés par les élèves du CAMA 1 pendant des ateliers de conversation (et d’écriture) et des ateliers de peinture, jeunes migrants logés au Pradha d’Achères.
Ils sont sept, ce mardi 30 janvier. Tous lisent et écrivent plus ou moins bien. Certains sont partis de loin, agriculteurs non alphabétisés d’Afghanistan ou du Soudan. D’autres ont de bonnes bases car scolarisés au Sénégal ou au Mali. L’un, mineur réfugié en Norvège, a d’abord été scolarisé en anglais avant de devoir fuir encore une fois.
Tous sont motivés et participent régulièrement aux ateliers de conversation, avides de langue française, curieux et admiratifs de la France, en attendant, depuis plus d’un an déjà, parfois, trop souvent, leur récépissé de réfugié, et les cours de français officiels.
J’ai décidé de ne plus faire un simple cours “de survie”. J’ai apporté le « Je me souviens » de Georges Perec. On en a lu quelques fragments. Voilà, voyez comme c’est simple ! On a tous quelque chose à raconter.
Nous démarrons. Ce n’est pas facile de se lancer pour certain. Première angoisse de la page blanche ! Moktar trace la piste, défriche la rive d’un marigot, se sent soudain poète. Les autres suivent. Bernadette et Martine corrigent les naturelles fautes et suggèrent du vocabulaire.
Puis, ils se lisent. Je recopie directement sur l’ordinateur chaque phrase et les assemble.
Enfin, je réclame le silence.
« Écoutez. Voilà votre premier poème collectif ».
J’interprète, « Je me souviens lorsque j’étais enfant, on partait dans le marigot… »
Leurs mots !
Applaudissements spontanés.
Ça marche. Ils veulent que je relise, une fois, deux fois… et s’essayent à leur tour.
“Voilà. Nous aussi on va faire un livre. Un vrai. Un livre de poèmes”.
La poésie, il n’y a pas mieux pour retrouver la fierté.
Si peut-être, aussi… la peinture.