Palette de Molène
Nous savions d’elle qu’elle était petite, une rapide escale vers Ouessant, une halte d’une paire d’heure entre deux bateaux — d’ailleurs les logements sont rares sur l’île — le temps d’en faire le tour, quelque cinq kilomètres. Ce que semblait confirmer une carte très monochrome disponible dans les guides et sur le port. Pourtant nous avions décidé de prolonger l’escale, d’y dormir afin de profiter des lumières du jour, du couchant et de l’aube avec une météo qui nous prédisait brume, nuage et éclaircies, bref toute la palette des lumières de Bretagne.
Molène n’est pas vraiment un port. C’est un abri sous les vents et la houle d’Ouest, protégé à l’est par une petite île, « Ledenez-Vraz », et au sud par le tombolo, recouvert à marée haute, qui relie les deux îles.
Depuis le départ de Le Conquet, c’est d’ailleurs l’alignement de ces îles, de ces récifs et des phares et balises qui nous a enthousiasmés le plus — îles de Béniguet, de Litri, de Quéménès, de Triélen, Aux-Chrétiens ; Penn Ven Braz ; Men Vriant, Baz Venn, Penn Ven Bihan — me replongeant personnellement dans les récits d’Émile Condroyer, regroupés dans « Les hommes dans la tempête, que j’ai lu il y a peu. Pendant que nous les scrutons à bâbord, tout un groupe de jeunes photographes ornithologues scrutent de leurs jumelles et de leurs téléobjectifs la pleine mer sur tribord à la recherche de quelques oiseaux « pélagiques ». À chacun son pôle d’intérêt.
Que dire de Molène ? Que retenir ? Pour ma part ce serait l’incroyable diversité de la côte, de cette palette de galets blancs, de blocs noirs, de rochers marron, d’arêtes et d’écailles minérales, d’algues et de lichens, de bruyères et d’ajoncs. Chaque crique appelle une photo différente, chaque perspective sur les îles et les récifs, la chaussée qui pointe vers Ouessant est saisissante. Une palette dont nous avons sélectionné six nuances, juste six sinon cela aurait pris des pages.