J’avais un beau ballon rouge.

Pièce d’Angela Dematté par les Bohringer


bohringerQue ce soit il y a quelques mois quand cette pièce était programmée à Conflans, où,  impulsivement, dimanche 3 janvier, c’est notre sympathie pour Richard et Romane Bohringer qui nous a propulsé au théâtre de l’Atelier, voir « j’avais un beau ballon rouge« . Richard, dont le « C’est beau une ville la nuit » m’a séduit par son écriture déchirée, sensuelle et sonore, puis par son interprétation « blues » mi chantée mi parlée. Romane, actrice sensible,  que Chantal avait écoutée dans une interview parler de son père avec beaucoup de tendresse. Un père et une fille, offerts sur le plateau d’un théâtre. Nous sommes allés le goûter comme une surprise, un cadeau potentiel.

Et nous sommes repartis comblés, repus, émus. Elle, tour à tour en colère, révoltée, utopiste puis ironique et affectueuse. Lui toujours digne, interrogatif, partagé entre tradition, religion et envie de partager l’enthousiasme de sa fille. Lui toujours affectueux, protecteur. Un père et une fille confrontés à deux époques, deux cultures, deux histoires passées et à venir.

Comme presque toujours, au théâtre, un dimanche après-midi, le public est âgé, génération après guerre, ceux qui devait avoir 18 ou 20 ans en 1970, comme moi, comme Margherita Cagol, la protagoniste de la pièce, l’égérie des Brigades Rouges. Toute une génération qui a traversé les dernières guerres coloniales, celles de la guerre froide, l’horrible guerre du Vietnam. Génération qui a réagi, pour ou contre, plutôt pour aux mythes du Léninisme, du Maoïsme ; qui a chanté avec Colette Magni, avec Yves Montand et Jean Ferrat ; qui a aimé Simone Signoret.

Génération qui s’est rangée, a vite rangé ses révoltes pour, comme le souhaitait le père de Margherita, acheter son pavillon et de génération en génération, au rythme des enfants, agrandir la diagonale de son écran de télévision.

Génération qui, retraitée, libre d’aller au théâtre, revit ce 3 janvier l’apparition d’un terrorisme porté par de nouvelles bibles, manifeste ou petit livre rouge, terrorisme portée par une minorité intellectuelle, très éduquée, ciblant quelques individus, ennemis de classe, terrorisme qu’elle avait vite oublié. Génération qui s’était rassurée, malgré les chocs pétroliers, bulles, montée insidieuse des inégalités et du chômage, baisse de la conscience politique et sociale qui avait culminé en 1968, année où commence la pièce.

Et moi dans mon fauteuil, ému par la sincérité du jeux des Borhinger, rendu très perméable, je nous sens rattrapé par la réalité. Une semaine avant le sordide anniversaire de Charlie, un mois après celui d’un autre spectacle à l’issue tragique au Bataclan. Nouveau terrorisme, nouveau livre, nouvelles illusions. Comment vaincre les désillusions ?

Puis de retour à la maison, la pensée s’encombre. Quels sont mes engagements d’aujourd’hui ? Quels étaient ceux d’hier ? Qu’en ai-je tiré ? Quel est le poids de l’individu que je suis puisqu’il est resté anonyme parmi les anonymes ? Comment influencer l’histoire ?