Elsa et Fred
Nous avions raté ce film lors de sa sortie.
Miracle. Le Pandora nous le ressert, comme une gourmandise, il y a quelques jours. En prime, un débat animé par l’association les Panthères Grises.
Nous avons donc bloqué notre vendredi soir, gourmands d’avance, intrigués par le nom de cette association.
Elsa et Fred est une de ces petites merveilles de film qui vous émeut, vous remonte le moral, vous fait rire de ce rire sucré-salé empreint de mélancolie.
Elsa, cette octogénaire adolescente, vous charme comme elle va charmer Fred, son cadet de 4 ans et voisin de palier et va bouleverser sa vie.
Ce film, sous le couvert d’une aventure amoureuse extraordinaire, vous amène tranquillement par touches successives sur les sujets plus graves de la vieillesse, la maladie, la famille et le mariage, les conventions, les relations inter-générations, l’héritage. Avec un volontaire parti pris d’optimisme,il renverse finalement plein de poncifs sans choquer.
Que nous étions heureux à la fin de ce film, ravis d’être, à moitié parcours, dans une trajectoire qui ne pouvait que nous amener à autant de bonheur et de jeunesse qu’Elsa et Fred.
Mais voilà nous n’aurions pas du rester au débat. Un peu comme si après un merveilleux repas, un fumeur de cigare venait vous souffler dans la figure et vous tuer les papilles qui en gardaient encore les fragrances.
D’ailleurs ce ne fut pas un débat, ce ne fut qu’un tract, lancé à la salle par une petite dame grisonnante, la présidence des panthères grises, qui avait donné sa vie à s’occuper des vieux.
Oui il y aura de plus en plus de vieux, oui on vit plus longtemps, oui beaucoup sont malheureux et ne peuvent affronter la dépendance, oui souvent les conditions de soin dans les maisons de retraites sont insuffisantes, oui le regard des jeunes sur les vieux doit changer. Ce n’était que des évidences, nous ne pouvions qu’être d’accord! Et, comme souvent, dans ce genre de lieux, entre personnes de bonne conscience, entre gens responsables, se fut la faute … des politiques. Nous sommes partis avant la fin.
Envolée la grâce de ce film, son témoignage spirituel sur la jeunesse éternelle de l’esprit et sur le baume que sont le mélange d’amour et d’humour.
Pourtant nous aurions pu avoir un vrai débat.
Comment était-on passé d’un monde équilibré par la richesse et la cruauté de la nature (enfance, travail, maladie, vieillesse et mort), équilibré dans son écosystème (maison, terre, solidarité obligatoire des générations, transmissions de la sagesse des anciens vers les jeunes), à un mode déséquilibré par les progrès techniques (contrôle des naissance, vaccins, médicaments pour tout, soins intensifs, gérontologie), par les transports et les nouvelles technologies (concentration, productivité, automatisme, travail industriel et tertiaire concentré dans les centres urbains loin des origines familiales) ?
Quel est notre part de responsabilité collective à nous, vieux et futurs vieux? Peut-on, doit-on réguler le progrès médical ? Faut-il redonner une place à la mort, l’accepter comme libération avant la dépendance ? Et, devant toutes les urgences (éducation, sécurité, écologie, aide au tiers monde), dans un monde fini, aux financements limités, aux compétences et dévouements tout aussi limités, quelles priorités donner pour retrouver les équilibres ?
La technologie allant beaucoup plus vite que nos capacités d’évolution, y a-t-il encore place pour l’optimisme, la joie, l’entrain d’une Elsa ?
Ce soir là, c’est sûrement cela que j’aurai aimé aborder avec lucidité, humour et espérance.
Peut-être, grâce à ce film, mais surtout par un débat ne cherchant pas à pointer du doigt des coupables, serions nous devenus philosophes. Car c’est finalement à cela, mieux vieillir, que nous prépare la philosophie : qui sommes nous, dans quel univers, pour quelle morale, pour arriver à quelle sagesse ?
Celle d’Elsa, c’était la Joie.