Frédéric Cubas-Glaser
Frédéric Cubas-Glaser nous avait proposé un jour, il y a déjà longtemps, de lui faire un « book » et de prendre des photographies de ses tableaux comme nous l’avions fait pour une autre amie peintre.
Puis le temps a passé. Peut-être parce que nos relations chaleureuses, uniquement fondées sur l’estime et la sympathie témoignées lors des visites d’exposition à la bibliothèque, n’ont pas eu le temps et l’occasion de mûrir suffisamment pour se concrétiser dans un catalogue — qui demande de pénétrer l’Œuvre par la photographie, la rédaction des commentaires, et surtout, épreuve ultime et douloureuse qui dévoile l’intime, le choix.
Frédéric nous a quitté, mais au-delà de la peine, ce que je ressens aujourd’hui est aussi une grande impression d’absence. Il savait si bien présenter sans académisme, avec la juste érudition qui dévoile la culture, les œuvres de ses amis peintres, sans prétention, par un flux de questions laborieusement préparées. Il savait mettre en perspective, en opposition comme en symbiose, des talents variés.
Nous allions toujours avec enthousiasme et curiosité aux expositions qu’il avait concoctées pour notre plus grand plaisir. Que d’étonnement nous lui devons. Que de surprises nous attendions.
Quant au peintre lui-même, j’aime (et nous aimons) sa peinture, ce mélange de mouvement, de couleurs, de matières, de rythme, de graphie. Piètre historien et amateur d’art, mon seul critère d’appréciation reste l’émotion ressentie. C’était, chaque fois, cette étrange fusion d’iconographie orthodoxe, de surréalisme hispanique, de réalisme et d’interrogative abstraction qui me touchait naturellement, instinctivement.
Frédéric, j’ai lu ce « Des fois, tu n’es même pas mûr et déjà, clac… les ronces. Tu as comme tout un chacun, feint de ne pas savoir, mais voilà Clotho la pourvoyeuse. Si, c’était elle à la sortie du lycée qui te passait le fil. Ce fil tu l’as tricoté toute une vie avec Lachevis. Prétentieux, tu pensais qu’il se déroulerait sans fin et en ce matin d’une fraîcheur inhabituelle pour un mois de printemps tu découvres la grâce d’Atropos qui seule s’avance d’un pas sûr, sans nullement froisser sa toge, avec ses fines mains en pierre de lune et ses grands ciseaux de bronze. Mais toi, avec tout ton courage, tu te retournes et tu cries esseulé, comme un enfant de trois ans, tu cries très fort: « Plus tard les Moires !« » que tu avais publié en mars 2018 en marge d’un de tes livres-pauvres.
Pourquoi Atropos ne t’a-t-elle pas entendu ?