Nouadhibou

Nouhadibou, Mauritanie.

Un port, des pêcheries misérables noyées dans des taudis ; un port, des mouches; un port, des tankers, des trémies grinçantes, la poussière du minerai ; un port, des migrants.

Nouadhibou. Une ville sans magasin, toute en échoppes. Sans restaurant, sans bar ; « Pourquoi veux-tu un restaurant ? Ici, on s’invite, viens dîner chez moi ». Une ville sans ombre, sans repos. Une ville qui grouille. On y vit, on y travaille ou on y survit, on y prie et surtout on y boit trois verres de thè, cinq fois par jour. Le premier, fort comme la vie ; le second, doux comme l’amour ; le troisième, suave comme la mort.

Tous les vendredi, nous nous échappions. Le MKT est construit dans le désert, au bord de la « baie de l’étoile ». Pourquoi étoile ? Est-ce parce que, vue du ciel, c’est une pleine lune bleu lagon cerclée de sable ? Est-ce en souvenir du « Petit Prince » puisque Saint-Exupéry faisait souvent escale à « Port-Étienne » ? Le MKT est une sorte d’acienda espagnole, une centre de pèche sportive bâti par les colons français maîtres des mines et du port. Il décrépit lentement au soleil. Un porche, une cour brûlante ceinte par des arcades sombres où s’ouvrent des chambres que l’on devine par le rectangle lumineux des fenêtres donnant sur la baie. La Mercedes 240 de Mohamed nous y déposait le jeudi soir ; nous étions alors les seuls clients avant la relative affluence du vendredi après-midi après la grande prière. Au fond de la cour, porte étroite que nous franchissions en oubliant, mines, port, mouches et poussière. S’enfoncer dans la fraicheur de la pièce, s’effondrer sur des coussins bigarrés au raz du sol, quitter le chèche protecteur, déchausser ses sandales, attendre la bière, si rare, blanche, mousseuse, couverte de condensation, le bol d’olive et la ration de poulpe épicé. Nous pouvions alors évacuer les éternels soucis des occidentaux conduisant un projet en Afrique : ne pas savoir ce qui va arriver.

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