Génération absente

Au sud, un fort souffre déjà des assauts de l’océan. Ils ont dû le construire à marée basse, à la limite des pierres, rochers, trous, gisements d’algues, théoriquement emplis de crevettes et de crabes, après une infructueuse pêche à pied qui ne tient plus la petite bande en haleine, quand un papi ingénieux s’est saisi des pelles et des seaux lançant la construction, pendant qu’une mamie surveille d’un œil les derniers pêcheurs persévérants.
Quelques mètres en retrait pour nous laisser le temps, nous construisons un bateau. Quatre places. Double cloison pour retarder le naufrage. Pelles en gouvernail. Papé a distribué les rôles. Les aînés au pilotage, les cadets, seaux en main, prêts à écoper. Mamé immortalise l’expédition.
Plus loin encore, resté sur le sentier littoral, un papi en fauteuil roulant, commande à la voix, étouffée par le vent du large, une grande fille à qui il a délégué la surveillance d’un frère et d’une petite sœur, tricots rayés vert, bleu et rose.
Et ainsi de suite, j’observe tour à tour tous les groupes d’une première semaine de vacances sur une grande plage de l’Île de Ré.
Quelque chose d’étrange que je n’arrive pas à identifier. Une anomalie.
Ça y est ! Seuls petits-enfants et grands-parents jouent sur la plage.

Entre les deux, toute une génération éradiquée par le travail, qui se précipite dès le vendredi soir pour retrouver leurs ouailles.