« Le Monde » et moi.

L’été, le journal Le Monde est maigre, ou plutôt semble maigre, car dès la page 18 — après les actualités que je lis tantôt en diagonale, tantôt en détail, parfois en rapide survol d’un titre et d’un chapeau — arrive la dizaine de pages denses, aux illustrations colorées et suggestives, des « Séries de l’été » et des « Idées de l’été« .

C’est le paradoxe de l’été au Monde. Pour cause de congés et malgré un service d’actualité réduit au minimum, ses journalistes ont du, depuis quelques mois, prévoir les ingrédients de l’été (je ne veux pas dire les munitions) qui gonfleront le journal. Le programme de la semaine, contemporain tonneau des danaïdes, s’annonce dès le mardi : 1/6 Xi Jinping, le destin chinois — 1/6 sur les traces de Claudia Andujar — 1/12 Correspondant de presse — 1/6 Le bloc de l’Est à fond les manettes — 1/6 La boite de Jazz — 1/6 À méditer.

Le Monde, en ayant laissé ainsi un vaste espace et du temps à ses journalistes, me permet aussi de goûter avec gourmandise, au-delà des sujets, la saveur de leur plume.

Les exemplaires de la semaine à mes pieds, je mesure le retard. Je réserve quelques lectures à plus tard. Assis dans mon fauteuil je voyage (sans empreinte carbone) en Chine, en Amazonie — c’est sidérant de parcourir la course au pouvoir de Xi Jinping, de la déchéance du père, des travaux agricoles de la Révolution Culturelle au « Timon du Monde », et sur la page suivante, de partager le désir de retour à la nature, à la modestie, proche de la fragilité des humains avec Claudia Andujar dans l’Amazonie des indiens Yanomamis — puis, avec les correspondants du Monde, de basculer dans les arcanes des pouvoirs…

Après une semaine, la semaine dernière, sur Les Places d’Italie ou, mieux encore, dans un retour futuriste du passé — le passé éclaire-t-il le présent ? ; juste après un parfois dérangeant et judicieusement contradictoire Vivre avec la fin du Monde.

Et de dire tous les jours à celle qui partagera les feuillets que j’ai la primeur d’aller chercher dès sept heures du matin dans la boite aux lettres : « Il faut vraiment que tu lises… »

Ou encore sous le charme de la lecture, de la curiosité et de la surprise, de prendre le temps de télécharger le pdf, de sélectionner les feuillets, de regrouper les articles en recueil, un pour chaque série, et parfois, d’envoyer l’un d’entre-eux à un ami lointain, qui en Italie, qui au Maroc ou ailleurs : car Les séries de l’été, ça se partage.

Heureusement il reste le lundi, sans livraison, pour se remettre à flot, résorber son éventuel retard, se décider à lire la série que l’on avait sautée à regret, regrouper les exemplaires exposés au bas du fauteuil, et jeter ceux de la semaine précédente qui s’empilent sur la chaise.

Il se trouve que tous les jours quelqu’un, plutôt connu, témoigne dans « Le Monde et moi. » Alors moi aussi, simple lecteur, je témoigne. L’été est beau, parfois trop chaud pour sortir, pluvieux bientôt, enfin. Juste ce qu’il faut pour lire, au calme, au frais ou dans un courant d’air, à l’ombre, pendant quelques heures, ces passionnantes et diverses « Séries de l’été« .

Demain après-midi sort le numéro du mardi. J’attends déjà les prochaines.

Au détriment de la pile de romans qui reste à l’étale.