Love Letters

lovelettersAlexa
Je t’écris cette lettre parce que j’ai peur de me mettre à pleurer de rage au téléphone. Je t’en veux à mort, Tom. Sache que quand tu es invité à un dîner avant un bal tu es censé danser au moins deux fois avec la maîtresse de maison. Et je ne parle pas de ma grand-mère. C’est pour ça qu’on organise les dîners ! Pour qu’on soit assurée d’être invitée à danser ! Tu as dansé tout le temps avec Ginny Waters et pas une seule fois avec moi. C’est très mal élevé, c’est tout. Tu ferais bien d’apprendre à vivre, Thomas. Tu n’arriveras à rien dans la vie si tu es grossier avec les dames. De toutes façons, va te faire foutre Thomas Anderson Ladd. Et deux fois le dimanche.

Thomas
Je n’ai pas dansé avec toi parce que je me suis froissé un testicule. Si tu ne sais pas ce que c’est cherche dans le dictionnaire. Je voulais te le dire avant le bal et puis j’ai été gêné. Je me suis blessé en jouant au hockey la semaine dernière. Si j’ai dansé avec Ginny Waters c’est qu’elle a des jambes courtes et qu’elle fait des petits pas, alors que toi tu fais toujours de grandes enjambées et on aurait eu de gros problèmes. J’ai essayé à la maison avec ma mère et ça faisait un mal de chien. C’est pour ça que je n’ai pas dansé avec toi. Je mets des compresses chauffantes et j’espère que nous pourrons danser ensemble la semaine prochaine à la fête de l’école.

Jean

Je vous ai écoutés toute la soirée avec passion, entre sourire et émotion. Votre dialogue épistolaire est rythmé et jamais monotone. Il sait par ses ruptures nous conduire dans vos silences, vos interrogations, vos interpellations, vos longues confidences, vos attentes, vos jalousies, vos colères, vos passions ; nous engloutir dans cette relation profonde qui hésite entre amitié et amour.

Love_letters_2Cette lecture n’est pas que littéraire. Elle résonne, comme un opéra. à travers son écriture naturelle et spontanée et les mouvements de sa musique. Dans ces lettres qui tracent tout une espérance amoureuse au rythme des noëls et des anniversaires, des mariages et des naissances, des malentendus, des rendez-vous manqués, nous retrouvons tous nos amours uniques ou multiples.

Mais c’est aussi un vrai plaidoyer pour l’écriture. Pour la force et la sincérité que seul peuvent donner ces pleins et ces déliés qui reflètent notre émotion autant par leur graphologie que par la signification des lettres qu’ils enchaînent en mots et en phrases.
C’est tellement vrai, Thomas, ce passage où tu retrouves ton premier stylo plume ! Ces plumes qui caressaient et meurtrissaient le papier comme nos joies et nos peines nos coeurs. Les ratures témoignaient de nos hésitations et de nos doutes. Le traitement de texte et le mail gomment tout cela.

Etrangement, j’avais relu, dans le train, jeudi soir, quelques unes des nombreuses lettres que j’ai échangées avec mes filleules, mes amies ou Chantal. Je n’avais pas conscience, autant qu’aujourd’hui après cette pièce, de la chance que j’ai, que nous avons, de préférer encore l’écriture au téléphone, la photo à la webcam, une soirée autour d’un bon cognac à un vain « chat ». Et combien nous avons la chance d’aimer écrire et partager, sur un papier, nos sentiments et nos impressions.

Paradoxalement, aujourd’hui, c’est sur le blog que je publie cela !

C’est simplement pour remercier cette affiche des couloirs du métro qui nous permit de plonger hier soir dans l’intimité de ces lettres. Merci aussi à la simplicité de l’interprétation d’Anouk Aimée et de Philippe Noiret qui leur donnent cet émouvant naturel.