Points de vue

La piscine, tout un monde mis à nu.

Nous allons tous les dimanches matin à la piscine, un beau centre nautique qui ne sent pas la javel me privant ainsi de cette excuse pour ne pas faire de bons exercices physiques, recommander par tous les médecins, bon pour les muscles, le cœur et sans brutalité.

Serais-je donc devenu accro pour cela ? Je n’ai pas perdu de bedaine ; je n’ai pas plus de souffle ; je ne suis pas plus détendu.

Alors pourquoi, tous les dimanches, j’attends avec impatience d’aller nager quelques longueurs ?

En premier, dès neuf heures, arrivent les sportifs. Hommes, femmes, adultes entre deux âges qui profitent d’être encore peu nombreux pour enchaîner les longueurs. Puis, c’est le tour des retraités, maigres, gros, claudiquant, raides qui vont trouver dans l’eau l’apesanteur bénéfique. La troisième vague est celle des parents, souvent le couple accompagnant bébés et enfants, garçons et filles. Des familles détendues, attentionnées, disponibles, sereines, attentives.

Enfin, ayant un peu récupéré de leur soirée, viennent les ados, les jeunes en bande, qui rigolent, se jettent des défis, s’encouragent.

Et tout ce monde se tolère. Ligne du bord pour les débutants, ligne du centre pour les champions. Entre les deux, on force ou l’on patiente. Je n’ai presque jamais noté de regard ou de geste d’humeur.

Pourquoi donc cette impatience du dimanche matin ? C’est, je crois, le seul endroit où je retrouve enfin tous les gens, de toutes générations, sans artifice, sans gadget, sans smartphone. Tout simplement eux-mêmes, mis à nu.

La Piscine, un bain de société.

La piscine, tout un monde mis à mal.

Décidément, ça ne va plus. Mon kiné m’a recommandé, pour ne pas dire imposé, la piscine, ou la marche, ou les deux. « Si vous ne bougez pas plus, Monsieur Perguet, je ne vous donne pas deux ans avant que je vous fasse la prescription d’un fauteuil. » Un peu brutal, pensais-je, sans le montrer.

Depuis chaque fauteuil, rencontré, chaque canne, chaque déambulateur m’agresse, me désespère. Chaque douleur m’obsède. Aujourd’hui la hanche, demain le genou, après-demain l’épaule, hier le cou.

C’est ainsi que j’ai pris un abonnement à la Piscine, le dimanche matin. Il y aura sûrement moins de monde.

Voilà je tourne autour du bassin, pour cela, je marche… la ligne du milieu, c’est pour les champions ; la ligne du bord, ils nagent à peine, ça se traîne, je n’ai ma place nulle part.

Quant aux petits bassins, des familles, des enfants qui courent dans tous les sens des bébés qui y trempent leurs couches, des papis et des mamies, tout ce que je ne veux pas être, qui se prélassent dans le jacuzzi ou se font masser par les jets.

Je déteste ce monde, je rêve d’hédonisme.

J’irai marcher et me baigner à l’océan.

Mince ! Il n’y a personne à la plage. Trop de vent, trop de houle.

Je vais retrouver mon canapé.

En attendant le fauteuil.