Révolution
Ce sera une vraie révolution quand les gens parleront des livres après les avoir lus, jugeront les gens non sur des phrases mais sur des idées, apprécierons non pas des mots mais des faits.
Je lis beaucoup, dans tous les genres, aussi bien fiction que poésie, économie et politique. Et sur ce dernier point, j’essaye de lire ce qu’écrivent les gens qui m’interpellent positivement ou négativement y compris épidermiquement. C’est souvent la longueur de l’écrit qui permet de se faire un jugement et d’éviter les travers du parti-pris. Je ne dédaigne pas non plus les biographies qui souvent font découvrir des personnalités bien plus complexes que ce que l’actualité veut bien laisser percevoir.
Le dernier livre en date est une somme d’idées sur la France, sur le fait de gouverner, sur l’étendue de la politique. Sociétale, culturelle, éducative, économique, industrielle, écologique et enfin géopolitique.
Écrit dans un langage résolument simple par un érudit, il a la pertinence de puiser dans notre histoire nationale et mondiale mais aussi de nous projeter dans un avenir numérique et génétique dont nous constatons la presque incontrôlable vivacité et sous-estimons les conséquences.
Si j’ai envie d’en parler aujourd’hui c’est qu’il est inclassable. Et à ce titre, il mérite d’être lu car il aborde bien des sujets sans tabou et sans classique parti-pris.
Des idées de droite il puise la soif de liberté d’entreprendre (de réussir ou et de perdre) et du désir séculaire d’enrichissement personnel. Mais il leur donne un incontournable cadre éthique de redistribution sociale.
Des idées de gauche, il puise le sens de l’État, de son rôle d’investisseur et de régulateur social – il parle d’ailleurs d’un « État investisseur social ». Il sanctifie le devoir d’éduquer, de soigner, de protéger.
Son originalité est d’accepter, voire de développer, les dépenses (les investissements) dans un but préventif afin de permettre les réductions des dépenses curatives. Et ce, dans la plupart des domaines, éducation, santé, sécurité, industrie.
Je ne reprendrai donc pas plus (lisez le livre) les principes énoncés (les têtes de chapitre) et surtout leurs développements plutôt détaillés que ce soit d’un point de vue historique (qu’a-t-on appris du passé ?) que d’un point de vue prospectif (que nous réserve peut-être l’avenir ?). N’y cherchez pas non plus un livre de recette. Il a la vertu d’exprimer, pour son auteur, la vision et les objectifs de ce que, pour lui, gouverner voudrait dire demain.
J’ai commencé ce petit article par le souhait que les gens commentent ce qu’ils ont lu plutôt que ce qu’ils supposent être écrit. Laissez-moi donc illustrer pourquoi par une petite anecdote issue d’une rencontre :
– Lui : J’ai lu Révolution, quel tissu de banalités dans 18 euros !
– Moi : Moi aussi, mais il m’a interpellé et même passionné.
– Lui : Par exemple, au début d’un chapitre il dit que la France n’est pas rentrée dans le 21ème siècle. Quelle ineptie !
– Moi : C’est vrai. Cela peut sembler une ineptie si on le sort du contexte. Il dit en effet que nous devons faire entrer la France dans le 21ème siècle et que c’est un défi. Mais ajoute aussitôt (cela m’avait marqué) : Nous avons attendu 1914 pour entrer dans le 20ème avec fracas. 2015 nous a fait entrer dans ce siècle dans de grandes douleurs. Et ce rappel introduit un très intéressant chapitre sur notre héritage culturel et à partir de cela notre perception du rôle de l’état. Et surtout de ce que devraient être les ambitions de l’État afin de protéger la République.
– Lui : Bon j’avoue. Je n’ai lu que les têtes de chapitre.
En fait, cet excellent livre de politique, qui n’est pas exempt de philosophie politique, n’a qu’un défaut pour être crédible et audible. Celui de ne pas être signé d’un Edgard Morin, d’un Jacques Atali ou d’un Jeremy Rufkin.
Révolution est tout simplement signé Emmanuel Macron, candidat.