JR x TIME – Chroniques

Guy Bourdin sur la plage de Saint-Aubin. ©Agnès Varda – JR

C’était l’occasion de me retrouver avec mon filleul. Le temps d’un déjeuner puis, comme je lui avais dit, n’en sachant guère plus sur l’exposition ni le photographe, si ce n’est l’intérêt qu’elle provoquait, « Je t’invite à la Maison Européenne de la Photographie. Quelque chose qui devrait nous surprendre ; laissons-nous surprendre ». Je savais seulement que j’allais découvrir les reproductions et les maquettes des immenses collages photographiques de JR, ancien graffeur, graffiti-artiste, du métro parisien converti, par hasard, à la photographie.

Si je fais cet article, ce n’est pas pour confesser que je perds la mémoire, car ce n’est que devant la photographie d’un blockhaus tapissé d’un « géant » couché que j’ai réalisé avoir découvert cet artiste dans ce road movie, « Visages, villages » réalisé avec Agnes Varda, l’un collant ses ultra-méga posters dans les lieux les plus improbables sous les yeux les plus étonnés, l’autre laissant aller sa caméra .

C’est pour vous dire combien JR nous a effectivement surpris. Particulièrement par ses chroniques, ce que l’on pourrait appeler aussi « performances » ou « installations ».

Chroniques de Clichy-Montfermeil de JR et Ladj Ly

La première, Chroniques de Clichy-Montfermeil, une fresque de 750 habitants du quartier, jouant leur propre rôle, shootés en noir & blanc, assemblés sur une fresque dont je n’ai pas vu l’original (40 m sur 3 m) inauguré par François Hollande en 2017, est exposée ici, plus modestement, dans une salle noire, tirages transparents rétro-éclairés, toute en énergie, en en rodéo, une sorte de contemporaine liberté menant le peuple mais le triste constat que la violence est hélas trop photogénique. Un effet d’autant plus saisissant du à la haute définition de chaque portrait, sublimant le réalisme de la scène, comme l’hyperréalisme le fait si bien, aussi, en peinture.

La seconde, « The gun chroniques: A story of America« , réalisée sur le même principe, est une chronique des armes aux États-Unis. 350 personnages impliqués, pour ou contre la libre possession des armes aux états-unis, chasseurs, usagers, parents-d’élèves, ambulanciers, policiers, commerçants, politiques qui débattent, à gauche ceux qui contestent le 2ème amendement, à droite ce qui la défendent.

L’apps.

Assemblage de photos et de vidéo, l’image sur écran géant est animée, restituant, cette fois encore, la violence du débat. Mais la performance ne s’arrête pas là. On peut télécharger une apps sur sa tablette, en haute-définition, et naviguer alors dans l’image, sélectionner n’importe quel participant, zoomer sur le portrait issu de la prise de vue en studio (chaque portrait est une oeuvre en soi) et surtout écouter et lire ce que ce citoyen vit ou a vécu. Force des attitudes, du langage, des intonations, des accents, du vocabulaire. La notion de chroniques prend alors toute sa force sous forme d’un objet artistique multiforme (photo, apps et parole). Même si peu de nous écouterons l’exhaustivité des témoignages, il faut en écouter quelques-uns pour comprendre la complexité du débat, culturel pour les uns, financiers pour d’autres, sécuritaire pour certains, et sa violence.

Surpris. Plus que cela.
L’exposition est encore ouverte. Jusqu’au 10 février 2019, je crois. Urgent d’y aller et de récupérer sur place le lien vers l’application.

JRMOMENTUM 
LA MÉCANIQUE DE L’ÉPREUVE

Jusqu’au 10 février à la Maison Européenne de la Photographie — Paris